Cercle Paul Diel

Suisse Romande

 

Revue de presse

Nos désirs multiples doivent être harmonisés par notre désir essentiel

Article de Martine Castello, publié dans la revue trimestrielle Nouvelles Clés - Tous droits réservés © 2009

Dossier thématique « Psychologie : Comment passer du désir à l’amour ? »

Reproduit à l’aimable autorisation de Nouvelles Clés (http://www.nouvellescles.com)

Partant des pulsions les plus primitives, celles des bactéries, le psychanalyste dissident Paul Diel aboutissait à la soif du divin. Pour lui, le précepte « Connais-toi toi-même » devenait : « Connais tes désirs et derrière leur multiplicité découvre ton désir essentiel ! »

Paul Diel (1893-1972) est le plus sensible et le plus mal connu des psychothérapeutes autrichiens d’avant-guerre. Cet autodidacte que la vie n’a jamais ménagé avait une étonnante aptitude à la compassion. Il admirait Freud, mais n’était pas d’accord avec lui. Que la sexualité soit un moteur majeur, certes, mais il voulait accorder une importance équivalente à cette extraordinaire capacité de l’homme : l’imagination, grâce à laquelle nous pouvons désirer et littéralement inventer des mondes. Selon lui, cela faisait de nous des sortes de dieux. Nous pouvons aussi, c’est notre problème, prendre nos désirs pour des réalités et rencontrer le malheur.

Très tôt, le sort obligea Diel à maîtriser les excès de sa propre imagination. Il lut les philosophes, étudia la psychologie et rédigea un ambitieux ouvrage, jamais publié, mais dont Einstein put dire en 1935 : « Vous nous proposez une nouvelle conception unifiante du sens de la vie. Elle est un remède à l’instabilité de notre époque sur le plan éthique. »

Antinazi, Diel se réfugia en France où il se retrouva prisonnier pendant toute la guerre. Auteur d’une œuvre impressionnante, il acheva sa vie en France sans jamais avoir été accepté par la nomenklatura parisienne. Pourtant, son enseignement reste étonnamment pertinent. Pour lui, l’origine du désir remonte à la faculté de nos ancêtres, les organismes primitifs, à réagir au milieu pour satisfaire leurs besoins. Le premier des besoins est de se conserver soi-même. Diel l’appelle « pulsion matérielle ». Le second désir est celui de conserver l’espèce : la « pulsion sexuelle ». Le troisième, la « pulsion évolutive », conduit les espèces à se transformer sous la pression du milieu, donnant naissance à de nouvelles formes, psychiques et physiques. Au fil du temps, ces trois pulsions premières s’élargissent. Chez l’homme, la pulsion matérielle devient sociale, la pulsion sexuelle se fait affective et la pulsion évolutive se transforme en pulsion spirituelle. Cette dernière devient même prédominante et prend la forme de ce que Diel appelle le « désir essentiel », en opposition aux désirs multiples, plus matériels, dictés par les pulsions sociales et affectives.

Pour que nous trouvions l’accomplissement, explique-t-il, nos désirs multiples doivent être harmonisés par notre désir essentiel. Sinon, une part de nous ne sera jamais satisfaite. Ainsi, la réussite purement professionnelle sera trop chèrement payée si l’on a gâché sa vie affective à la gagner ; les prouesses purement sexuelles finiront par générer le dégoût de soi ; l’amour exclusif de l’esprit théorique conduira à l’échec, par dessèchement… Mais ce nécessaire travail d’harmonisation autour du désir essentiel nous coûte et nous inventons de fausses raisons de nous y soustraire. Ainsi naissent les défauts, qui sont des déformations de nos qualités. Ainsi :

- derrière la vanité, qui est une sur-valorisation de soi, se cache l’estime de soi ;

- derrière la culpabilité, qui est une sous-valorisation de soi, se trouve l’humilité ;

- derrière la sentimentalité, sur-valorisation des autres, veut s’exprimer la possibilité de les aimer ;

- derrière l’accusation, sous-valorisation des autres, se camouflent la tolérance et la compassion…

Si vous voulez suivre la piste ouverte par Paul Diel, faites la liste de vos défauts et découvrez la qualité cachée derrière chacun.

Mais la première condition de l’accomplissement est de connaître notre désir essentiel. Comment faire ?

L’originalité de Paul Diel fut de rétablir l’introspection, qu’il appelle « délibération », comme moyen d’accès à la connaissance de soi. Pour éviter les illusions, il propose de placer l’imagination sous le contrôle de deux gardiens : l’esprit intuitif et l’intellect pratique. Le premier, descendant de l’instinct animal, « flaire » ce qui convient à la satisfaction de notre désir ; l’intellect, lui, prend en compte la réalité. S’il y a trop de décalage entre désir et réalité, ou si le prix à payer pour changer le réel est trop fort, le désir doit être dissout par un travail d’acceptation, qui n’est pas résignation, car l’énergie ainsi libérée fait rebondir la vie vers de nouveaux projets.

Quelques conseils de lecture… Pour une excellente introduction à l’œuvre de Paul Diel, lire : L’homme et ses motivations, par Alain Bavelier, éditions Retz. Dans la Petite Bibliothèque des éditions Payot : Psychologie de la motivation, 1948 ; La divinité, le symbole et sa signification, 1950 ; Le symbolisme dans la mythologie grecque, 1954 ; La peur et l’angoisse, 1956 ; Éducation et rééducation, 1961 ; Le symbolisme dans la Bible, 1975.

Martine Castello © Nouvelles Clés, 2009


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